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Je vous envoie cette ultime photo, que j'ai déjà peut-être envoyée, mais qui a une histoire. Je ne sais pas si elle en vaut la peine, mais elle est véridique (peut-être que nos anciens, encore vivants, s'en souviennent). Sous la casquette de mon oncle Marceau, on distingue un bandeau blanc, c'est un pansement. Mon oncle Marceau avait tourné, comme figurant, dans 2 films qui se sont déroulés dans l'Algérois, avec Jean Gabin comme acteur principal, bien sûr. Notamment, dans "Golgotha". Afin de désaltérer les comédiens, les cascadeurs, les machinistes et autres figurants, une buvette en bois a été construite.


A la fin du film, mon oncle avait obtenu la permission de récupérer le bois de cette buvette. Il avait donc entrepris sa destruction en règle, cela n'avait pas plu à certains cascadeurs qui s'étaient acharnés sur lui à coup de barres en bois et lui avaient fracassé le crâne. Sous les coups et le nombre, mon oncle, bien que cela ne fût pas son genre, avait dû s'enfuir. Arrivé à la maison, la tête ensanglantée, sa mère, ma grand-mère que je n'ai pas connue, l'a naturellement pansé. Survient son frère aîné, mon oncle Albert, qui demande l'explication de ces blessures. Une fois pansé, Marceau et Albert sont repartis vers les lieux du tournage, pour récupérer le bois et donner la correction méritée aux courageux cascadeurs. Malgré la supériorité numérique des cascadeurs, le partie fût enfin plus équitable. Aux dernières nouvelles, on recherche toujours les cascadeurs survivants.


Cette anecdote m'a été racontée par mon oncle Marceau, mais également rapportée par d'autres personnes, ce qui me laisse à penser que les anciens doivent s'en souvenir. Jean Gabin a été témoin de cette scène et a pris fait et cause pour Marceau. Entre les 2 hommes s'est liée une amitié qui a duré. Et lorsque mon oncle est rentré en France en 1962, ils se sont rencontrés à 2 reprises. Mon Oncle Marceau, qui est en même temps mon parrain, a eu une vie assez trépignante, hors du commun. J'ai une très grande admiration pour lui, vous l'avez peut-être ressentie. Si j'avais quelques talents littéraires, je crois que j'aurais pu écrire un livre sur lui. Avec son frère Albert, ils étaient parmi les plus costauds du village. Pendant la 2e guerre mondiale, après le débarquement américain, les gros bras de la MP U.S. le recherchaient pour le "descendre", parce qu'il avait foutu une bonne raclée à 2 ou 3 soldats américains lors d'un bal à la salle des fêtes du village, organisé par les américains. Une autre fois, alors que son métier de routier l'entraînait sur les pistes dangereuses (pour l'époque) du Sahara, il était tombé en panne, avec son coéquipier dont j'ignore le nom, en plein désert. A ce moment, la fréquentation de ces lieux diaboliques, était assez faible, voire très rare. Avant d'être secourus quelques jours après, pour ne pas mourir de soif, ils avaient dû boire l'eau du radiateur du camion. Un jour il avait même amené l'alpiniste-écrivain Frison-Roche dans une tournée au Sahara. Ce même Frizon-Roche était venu le voir à Cap d'Agde, où il habitait, pour le questionner sur la pêche (c'était la passion de mon oncle), car il voulait écrire un livre sur la pêche. Et voyez comme est le hasard, Frison-Roche est mort, à 2h. près le même jour que mon oncle.


Jean-Max Taltavull

 

Marceau

TALTAVULL